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Alain Damasio

Écrivain de science-fiction, typoète
Février → Mars 2022

Cyrille Choupas

  • Littérature
  • San Francisco

« Rien n’a plus changé notre façon de vivre au quotidien que les GAFA. C’est eux qui ont mis en place cette ère de la trace, qui l’ont construite. Cette trace, qui est le nouvel or gris, est le symbole de notre capitalisme moderne.»

Avec une approche sociologique, philosophique et anthropologique dans mes livres, je suis l’un des auteurs de science-fiction les plus techno-critiques. Mais le choix même de l’écriture n’était pas une évidence. Je fais désormais de la scène, j’ai travaillé pour des jeux vidéo, écrit des scénarios… Et malgré tout, je reviens à l’écriture. Tu comprends qu’à un moment, il y a vraiment une activité pour laquelle tu es doué. Mon rapport au langage est très physique. N’importe quel mot, n’importe quel consonne, voyelle, porte une couleur, un son, une sensation… Et je n’ai pas ce rapport là avec les autres arts. Pour moi, la définition de la science-fiction c’est ce que la technologie fait à l’homme. C’était instinctif, même si je pense que c’est la liberté qu’offre ce genre qui m’a poussé à le choisir. Sur le style, sur la structure narrative, sur l’univers et les inventions… On peut tout se permettre. Et puis c’est un genre spéculatif qui aime réfléchir sur la société, la politique, l’anthropologie… Et ça depuis toujours. Tu peux y bâtir des mondes dans lesquels on place tous les travers de nos sociétés, tu peux les extrapoler, les transposer…

 

Né en 1969 à Lyon, Alain Damasio est un auteur de science-fiction et typoète français. Son domaine de prédilection est l’anticipation politique. Il marie ce genre à des éléments de science-fiction ou de fantasy et décrit des dystopies politiques. Homme engagé, cet intermittent de la militance affûte ses armes à la forge philosophique et en nourrit ses combats concrets tout autant que ses livres. 

Rien n’a plus changé notre façon de vivre au quotidien que les GAFA. C’est eux qui ont mis en place cette ère de la trace, qui l’ont construite. Cette trace, qui est le nouvel or gris, est le symbole de notre capitalisme moderne. C’est à partir de nos traces que l’on va maximiser le profit de nos entreprises. Depuis 25 ans que j’écris, je me suis plongé là-dedans, je l’ai analysé.

 

Mais l’avantage de San Francisco, c’est qu’il s’agit aussi d’une ville d’avant-garde, d’artistes, qui ont un regard beaucoup plus critique sur cette modernité. Il y a dans la société civile des mouvements de contestation, comme les manifestations sur l’explosion des prix de l’immobilier à cause de la présence des champions des nouvelles tech. J’ai envie de voir un peu cette face cachée qui n’est jamais montrée aux Etats-Unis.

Je pense que ce voyage est nécessaire pour valider ma position technocritique. C’est très facile de critiquer à distance, mais il est important de se rendre compte sur place des raisons de l’adhésion massive du public à cette nouvelle ère et façon de vivre. Eux y croient. Le transhumanisme, dont je suis un fervent détracteur, est un mouvement très fort là-bas par exemple. Cette zone géographique concentre à peu près tout ce que je critique ou combat : le capitalisme, le transhumanisme, la surveillance, le monde connecté à l’extrême… Le but est quand même de rencontrer les dirigeants de la Silicon Valley, les acteurs de l’université de Berkeley ou de Stanford. J’espère pouvoir y faire une masterclass. Les architectures, les campus, les sièges sociaux… Je vais pouvoir aussi me rendre compte de la réalité sensorielle de ces lieux.   

 

Je vais être très souvent en porte-à-faux dans mes rendez-vous, dans les habitudes de vie là-bas. Je sais, pour avoir été quelques fois aux Etats-Unis, que l’attitude technocritique, ou le simple fait de ne pas avoir de téléphone portable, comme c’est mon cas, est au-delà de la radicalité. Ce n’est même plus l’extrême gauche, c’est quasi-impensable pour eux ! C’est aussi le but de ce  genre d’échange culturel qu’offre la Villa San Francisco.   

 

Il y a bien sûr l’aspect inspirationnel, celui qui va alimenter mes travaux, mais il y a aussi l’aspect professionnel, qui n’est pas un mince enjeu. La Horde du Contrevent est à ce jour entièrement traduit en anglais par Alexander Dickow, poète et écrivain américain et nous cherchons un éditeur pour le publier sur le marché anglophone. Il y a aussi en cours de discussion le développement de mes romans au cinéma/en série TV, des podcasts/séries radiophoniques, l’adaptation de La Horde du contrevent en bande défilée (art digital) et le développement d’une application “MOA”/ réalité augmentée narrative. 

En partenariat avec

La Volte

Fondée en 2004, La Volte est une maison d’édition indépendante qui publie chaque année des romans, novellas et recueils de nouvelles d’auteurs français et étrangers. Animée par une horde, sans cesse mouvante, d’amis et de passionnés – « les volté.e.s » – La Volte crée des objets-livres originaux, mêle les expériences émotionnelles grâce à l’association d’ouvrages et de musiques, avec, toujours, une approche d’artisans. La ligne éditoriale croise les littératures de l’imaginaire, en particulier la science-fiction, et la littérature dite « blanche ». L’exigence d’écriture et d’imagination incite, en effet, des auteurs à créer des œuvres singulières, parfois inclassables, récits qui trouvent une place naturelle dans les parutions de La Volte.

 

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